Interview, Elie Bernheim, un CEO mélomane et rigoureux
Petit fils du fondateur de la marque éponyme, Elie Bernheim entend défendre farouchement l’indépendance de la Maison familiale et positionner la marque sur un segment bien précis.
Vous avez très bien connu votre grand-père Raymond Weil, fondateur de la marque. Quelles valeurs vous a-t-il transmises?
J’ai bien connu mon grand père, qui nous a quittés en janvier dernier. Il a créé cette société en 1976 en pleine crise horlogère. Il y a peu de temps, il était encore parmi nous, il venait s’enquérir de nos projets en cours, discuter avec nous. Je ne l’ai pas simplement côtoyé, j’ai passé énormément de temps en sa compagnie. Il m’a inculqué une chose principale qui anime à présent ma vie: la valeur humaine. Cette valeur est le moteur d’une société familiale et indépendante comme la nôtre. Si nous avons réussi à préserver notre indépendance et l’aspect familial de notre entreprise, c’est grâce à des collaborateurs compétents et dévoués ainsi qu’un réseau de fournisseurs qui nous soutient.
Nous avons également tout un réseau de distributeurs et de partenaires détaillants à travers le monde, fidèles à la marque. Les ingrédients pour arriver à ces résultats sont simples: valeur de la marque, contacts humains, réactivité. Nous sommes dans le concret et c’est sans doute la force d’une entreprise familiale beaucoup plus proactive dans la gestion des problèmes et plus à l’écoute de ses clients et fournisseurs. Un exemple, je viens d’avoir un appel d’un des nos plus grands détaillants aux Etats-Unis qui était en rupture de stock sur certains modèles. En cinq minutes, j’ai pu satisfaire à ses demandes. Dans un grand groupe, cette même personne aurait dû passer par une kyrielle de managers et de directeurs. Réactivité et rapidité, ce sont avant tout des valeurs humaines, et elles sont le socle de notre entreprise.
La nouvelle Raymond Weil Freelancer 7745-TIC-05609 sera dévoilée le 15 mai prochain
Tombé dans l’horlogerie depuis votre naissance, qu’apporterez-vous de nouveau par votre gouvernance? Chaque génération apporte son lot de développement et de savoir-faire. En ce qui me concerne, c’est le dynamisme, je suis ambitieux pour notre Maison. Je suis né dans cette entreprise, j’ai été élevé au biberon comme un fils de médecin qui entendait ses parents tous les soirs parler de leurs différents cas.
Depuis mon jeune âge, j’ai suivi l’évolution de cette société donc, je l’ai connue par le passé, et plus activement il ya neuf ans. J’espère que les vingt-cinq prochaines années seront celles du dynamisme de la marque. Il s’agira aussi de bien résister face aux autres groupes. Concrètement, il y a des marchés sur lesquels la marque a des parts importantes à prendre, nous sommes selon les cas numéro 2 ou 3 sur un segment de prix qui oscille entre 800 et 4000 francs. C’est sur ce segment que nous allons porter nos efforts pour grandir davantage. Une fois cet objectif atteint et ce marché consolidé, alors oui, pourquoi pas nous diversifier sur d’autres segments. Mais pas avant! Etre partout comme cela a été le cas durant deux générations afin d’être reconnu n’entre pas dans ma stratégie.
Votre père aurait pu hésiter à vous céder les rênes de la Maison?
Chapeau à mon père! Il n’a que soixante ans alors que bien des dirigeants sont encore à la tête de leur entreprise à un âge canonique. Mon père est parti du constat suivant avant de faire confiance à la jeunesse (ndlr: Elie Bernheim est âgé de 33 ans), il a pris soin de me confier des responsabilités, de travailler durant neuf ans à mes côtés et de se dire qu’il valait mieux passer le flambeau pendant qu’il est en pleine possession de ses moyens afin de me faire bénéficier de son expertise, de son expérience, de sa connaissance des marchés.
C’est maintenant qu’il va m’épauler et il le fait à merveille. Il restera président du conseil d’administration.
Quelles sont les évolutions du marché de l’horlogerie depuis vos débuts dans la Maison?
Nous sommes présents sur plus de 85 marchés. Il y a actuellement 20 marchés importants pour la marque qui représentent 80% de notre chiffre d’affaire. C’est vraiment sur ces marchés en question que la marque a un vrai rôle à jouer.
Raymond Weil Maestro 2869-STC-65001 avec phase de lune présentée à Baselworld 2014
Pour quelles raisons?
Le positionnement est précis et clair, nous avons une palette d’offres qui part de 800 à 4000 francs, nous disposons également d’un réseau de détaillants qui correspond à cette offre, et c’est véritablement sur ce segment que nous avons une forte notoriété qui nous permet d’avoir des ventes conséquentes. Nous devons travailler et consolider la marque. Ma mission consistera entre autres à être le gardien de cette stratégie. Ce qui m’anime, c’est ce souci de continuité, de cohérence. Beaucoup de marques par le passé on fait du up and down, en fonction de la conjoncture. Pour ma part, je pense qu’il faut garder sa propre ligne directrice, sa vision sur le long terme.
La musique est une affaire de famille, quels sont vos goûts?
Je baigne dans la musique classique depuis ma plus tendre enfance. Je joue du piano depuis l’âge de trois ans, j’ai un diplôme de piano, un autre de violoncelle, j’ai pratiqué les instruments classiques.
Cela reste une de mes passions premières, après j’ai aussi des goûts plus en phase avec ma génération. Je suis assez éclectique. Du reste, nous sommes partenaire officiel depuis huit ans des BRIT Awards, prestigieuse cérémonie qui honore chaque année les artistes qui ont brillé par leurs talents. En fait, même si nous avons une clientèle fidèle et loyale depuis quarante ans, il était important de rajeunir notre image. Et quelle meilleure opportunité que l’industrie musicale britannique! Je suis à l’origine de cette initiative.
Quelle est votre analyse sur le marketing digital?
Il y cinq ans, le digital représentait 5 à 10% au grand maximum, aujourd’hui le split marketing de mes départements idoines représente 30% et c’est carrément l’une des nos évolutions les plus importantes. Les plus belles opérations de communication que nous avons réalisées l’année dernière, l’ont été en partenariat avec certains de nos détaillants. Ce qui m’importe, c’est d’avoir des retours en terme d’informations, c’est beaucoup plus passionnant pour nous, ça nous permet aussi de mieux cibler aussi notre communication. Tous ces outils sont essentiels pour moi…