Christophe Claret - les habits neufs de l’empereur
Avec Aventicum, l’horloger du Locle installe le buste en or de Marc Aurèle au centre de son cadran, et rend hommage à l’ancienne capitale de l’Helvétie romaine.
Il mesure à peine trois millimètres, ce buste en or de l’empereur romain Marc Aurèle, et pourtant on ne voit que lui au centre de l’Aventicum, la montre que Christophe Claret a imaginée en hommage à Avenches, petite ville du plateau suisse qui fut un temps capitale de l’Helvétie romaine et qui célèbrera en mai son deux millième anniversaire!
Un jeu optique baptisé mirascope
Magnifié par le jeu des deux verres paraboliques qui l’enserrent et se renvoient son image, le buste a de airs d’hologramme et semble flotter dans ce petit dispositif optique baptisé mirascope. Régnant sans partage sur son cadran, il est la réplique fidèle d’un buste en or massif retrouvé presque par hasard en 1939 à Avenches, lors du nettoyage d’une canalisation.
Ce n’est pas la seule surprise que réserve l’Aventicum, les aiguilles offrent elles aussi une lecture de l’heure inattendue.
Comme elles ne pouvaient pas partir du centre du cadran, occupé par le mirascope, Christophe Claret les a remplacées par deux soucoupes en microfibre de carbone dont les bords sont visibles le long de la lunette. Au dos, la masse oscillante accueille cinq chars romains en pleine course. Le gagnant est désigné lorsque la masse s’arrête, c’est celui qui se trouve sous le A majuscule de Marc Aurèle! L’Aventicum est une série limitée à 68 pièces en or rose et 38 en or gris, pour un prix oscillant entre 49'000 et 53'000 francs. L’entrée de gamme pour une marque dont certains garde-temps frisent le demi-million!
Christophe Claret Aventicum (arrière)
L’un de ses best-sellers, l’X-TREM 1 dévoilée en 2012, revient cette année entièrement habillée de bleu, de l’alligator de son bracelet au traitement PVD bleu ardoise de sa boîte en titane et or gris. Cette nouvelle série ne comptera que huit pièces, pour un prix de 268'000 francs. L’affichage des heures et de minutes témoigne de l’extraordinaire inventivité de la marque. Il n’y a ici ni aiguille, ni disque, mais deux sphères de métal qui progressent dans deux tubes saphir de part et d’autre de la boîte, entraînées par un aimant invisible que guide un câble rappelant celui des téléphériques.
Aux sources inattendues de l’inspiration
Christophe Claret sait en effet ramener à l’horlogerie des idées qu’il puise dans le monde entier. Il analyse le mécanisme qui fait bouger les pattes d’un cheval Barbie, adapte à l’Aventicum le mirascope en vogue sur des jouets du siècle dernier. S’inspire même d’une pelleteuse qui avait déchenillé (l’homme ne fait pas que des montres, il rénove aussi son château!) pour les courroies de la Dual Tow.
Pour un indépendant, l’innovation est la clé du succès. «Nombre de collectionneurs sont prêts à nous suivre sur des produits vraiment innovants» affirme Christophe Claret. Il se compare en riant à un explorateur, machette en main, qui débroussaille des zones inexplorées de la jungle. «De temps à autre, on se retourne pour voir si quelqu’un nous suit. S’il n’y a personne, c’est peut-être qu’on a fait fausse route et que la jungle se referme déjà inexorablement derrière nous!» Parmi les nouveaux marchés qu’il explore, celui de complications pour femmes lui semble prometteur. «C’est un marché de niche, il est extrêmement petit, mais comme il n’y a personne…» En s’adjugeant le Grand Prix d’Horlogerie de Genève dans la catégorie «Haute mécanique pour dame», son modèle Margot semble lui donner raison. Sur son cadran, les pétales d’une marguerite disparaissent aléatoirement, affichant l’un des messages d’un jeu sans cesse renouvelé: «un peu», «à la folie», et parfois même «pas du tout»!
20% de progression en 2014
Le rythme des nouveautés semble donc effréné: 11 produits en cinq ans d’existence, trois nouvelles montres en 2015 (Aventicum, l’X-TREM 1 en version bleue et une pièce à sonnerie attendue à Bâle). «Il fallait construire rapidement une collection cohérente, explique Christophe Claret, mais il serait maintenant raisonnable de ralentir un peu, et de revenir à un modèle par an.» Largement de quoi occuper sa manufacture du Locle dont l’activité se répartit à parts à peu près égales entre la production des 120 pièces de sa marque et la création de mouvements à hautes complications pour d’autres marques. Elle a vu son chiffre d’affaires croître de 20% en 2014, et a des objectifs identiques pour 2015, malgré l’envolée du franc suisse.