Baselworld 2014

BaselWorld 2014: à l’aube d’une nouvelle ère

A force de croire que tout est possible, à force de se convaincre que la Chine est un nouvel Eldorado, à force de croire que les montres d’un prix fou seront achetées par une population dont les motivations ne sont pas nécessairement les nôtres, à force de vouloir faire des actionnaires satisfaits de leurs dividendes, l’horlogerie est aujourd’hui au pied du mur.

Par Vincent Daveau
Contributeur

Tout ceci est un raccourci et le propre de celui-ci est de faire réfléchir. Mais tout le monde a bien compris que le danger immédiat ne vient pas des hypothétiques montres connectées que certains considèrent comme la nouvelle hydre du métier, mais du complexe de supériorité qui est de croire que le Sell-in (la vente aux détaillants et boutiques de marques) correspond au Sell-out (la vente au client final). Résultat : à force d’une pression constante pour « faire » de bons chiffres, les groupes de marques en sont arrivé au point de faire saturer les détaillants qui, pour une part, sont acculés dans leurs boutiques avec près de 18 à 24 mois de stock, une fois les bonnes pièces vendues. Car, évidemment, ce ne sont pas les bonnes montres qui restent, mais les « nanars », les références vendues en lot ou nécessairement proposées avec les modèles déjà pratiquement vendus.

Baselworld 2014

Il ne faut pas l’oublier, le détaillant n’est plus nécessairement maître de ses vitrines et pour conserver une marque de prestige, il faut pouvoir suivre et accepter sans broncher les désirs de sa direction. Alors, c’est vrai, les marges confortables offertes aux commerçants devraient les inciter à réfléchir à deux fois quand il est question de se plaindre, car un boutiquier gagne structurellement plus que le fabricant. Cela incite par évidence celui-ci, souvent ahuri par le peu de souci de formation, à se lancer dans la vente de ses propres produits. Seulement on n’est pas dans le cadre d’une boutique d’usine, mais d’un concept où plutôt que de laisser échapper les ventes à autrui, la marque entend faire double mise et rafler la marge du détaillant en flouant le client final. Car l’amateur ne trouve finalement aucun intérêt économique à se rendre chez le fabricant puisque celui-ci, trop fier de son produit, ne lui consentira même pas une remise qu’il est certain d’obtenir auprès du boutiquier indépendant.

On comprend mieux, dans cette conjoncture, le mouvement qui se produit sous nos yeux. Les marques, conscientes d’être allé un peu loin en matière d’augmentation pour corriger les mauvaises ventes (baisse en volume, mais hausse proportionnelle en valeur ces 3 dernières années), ont choisies de sortir les « aérofreins » pour tenter de stabiliser le marché qui s’emballe en proposant des collections étonnantes de prix, à défaut d’être détonantes.

Baselworld 2014

Si le SIHH (Salon international de la haute horlogerie) a laissé le sentiment que le groupe Richemont restait sourd au marché, drapé qu’il est dans la conviction que ses boutiques lui permettent de s’en sortir sans trop de casse, le Baselworld a produit sur les foules l’effet inverse. Et tout le monde a pu constater la volonté des marques indépendantes de sortir des produits dont les prix souvent largement revus à la baisse, semblent annoncer un retour à la raison  (Zenith inclus, avec le lancement d’une gamme abordable utilisant un mouvement générique). Ces pièces accessibles (plus accessibles) s’échelonnent sur une base où une montre mécanique trois aiguilles ne peut péniblement pas dépasser le prix de 1500 CHF soit 1300 euros. Dans le même esprit, les chronographes semblent vouloir revenir à des prix avoisinant les 2000 à 3000 CHF. Evidemment, certaines références dépassent allègrement ces valeurs, mais on constate bien vite qu’elles sont déjà recherchées, déjà pratiquement vendues, car elles sont les fers de lance des collections des marques qui connaissent finalement plutôt bien leur marché. Et puis, parce que c’est toujours plaisant de donner le ton du marché, Rolex a posé le prix de ce que devait valoir une montre trois aiguilles urbaine en or, en refondant sur des bases extrêmement positives sa collection Cellini.

Rolex Celline white gold
A 12 000 euros environ et plafonnant à 15 000 euros, ces produits sont le nouvel étalon sur lequel les marques moins célèbres vont devoir se caler. En effet, difficile à moins d’être aveugle, d’envisager proposer moins bien pour plus cher dans un milieu aujourd’hui parfaitement informé, très ramifié et où les connaisseurs parviennent, par tous les moyens médiatiques à leur disposition, à informer un public de béotiens.

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Le monde d’aujourd’hui est un village et les liens tissés grâce aux technologies ne permettent plus aux maisons les plus ambitieuses d’avoir des politiques différentes en fonction des régions. La « Toile » est aussi celle d’un redoutable prédateur… Aussi, les marques vont devoir assainir le marché, faire comme les médecins du temps de Molière quelques saignées à blanc dans les marchés malades ou saturés. Seulement, dans le passé, il était possible de délester les stock sur des secteurs non couverts sans nuire à l’image de la marque pratiquant l’amputation thérapeutique. Aujourd’hui, la chose est plus difficile car la plupart des maisons, pour s’assurer des chiffres en croissance, sont allé ouvrir des marchés dans des zones que l’on pourrait qualifier d’incongrues, limitant voir interdisant le recours possible à ce que l’on appelle un vase d’expansion en cas de saturation. Il va donc falloir aux entreprises être créatives à défaut de l’avoir été cette année, et stabiliser les ventes, redonner confiance aux consommateurs et garantir qu’à l’arrivée des nouvelles technologies, la population, lassée de voir les marques aveugles à leurs attentes, ne se penchent sérieusement sur des offres dont la froideur n’aura d’égales que leur utilité et leur fonctionnalité. Ce n’est pas par passion que les consommateurs porteront leur intérêt sur les nouveaux venus, qui occuperont, comme de juste, un segment en pleine croissance qui va de 200 à 500 CHF, mais ils réagiront comme on le fait en politique, en agissant à la manière d’un vote sanction…

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